Assises de territoire : une première engageante en Pays Sud Toulousain !

Le 9 décembre 2022 se sont tenues les premières Assises de territoire en Pays Sud Toulousain

assises_09_12_22.jpg
Dimanche 11 décembre 2022

Assises de territoire : une première engageante en Pays Sud Toulousain !

Le terme « Assises » est généralement usité pour désigner un rendez-vous de la plus haute importance, tant pour l’espace visé et le public concerné, que pour la thématique abordée. Aussi les élus responsables du Pays Sud Toulousain, regroupant les 99 communes et 100 000 habitants des Communautés de Communes du Bassin Auterivain, Cœur de Garonne et Volvestre, ont-ils décidé de le retenir pour la réunion d’exception proposée le 9 décembre 2022 à l’ensemble de leurs collègues municipaux afin de réfléchir et de discuter ensemble de la gestion à long terme des ressources de ce vaste et varié territoire.

Une réunion provoquée non seulement par la phase cruciale de l’élaboration de la stratégie de planification à 20 ans du Schéma de Cohérence Territoriale / SCoT en Sud Toulousain, qui consiste à en imaginer le futur sur tous les plans (démographique, socio-économique, environnemental, énergétique…) ; mais aussi par l’accélération subite et violente du dérèglement climatique, et la multiplication des crises plus ou moins liées, qui nécessitent une réponse rapide et ferme de manière à en atténuer les effets et à s’y adapter pour finalement en tirer parti (car à tout malheur quelque chose peut être bon si on sait réagir et anticiper correctement).

L’enjeu est ni plus ni moins la qualité de vie des habitants actuels et à venir, une des plus remarquables et enviées en Occitanie, comme en témoignent les flux incessants de nouveaux arrivants ; mais aussi une des plus fragiles et menacées, comme le prouvent les impacts nocifs croissants du réchauffement. Afin de le traiter au mieux, le Pays Sud Toulousain avait subdivisé la journée du 9 décembre en deux parties : une première en matinée sous forme de tables rondes autour d’experts chargés d’éclairer l’assistance sur les défis à surmonter, et une seconde dans l’après-midi via un atelier-débat sur les orientations issues des concertations d’élus et d’habitants menées dans le courant de l’année écoulée.

Au sein de la salle des fêtes de Lafitte-Vigordane, les échanges furent soutenus et riches, à la satisfaction de l’ensemble des participants, élus les premiers, mobilisés à hauteur d’une centaine sur les 6 heures de rencontre. Ci-dessous une synthèse des interventions de spécialistes, chacun dans un domaine intéressant les ressources clés du Pays Sud Toulousain, fournissant aux élus une base de travail cruciale pour affiner ensemble ce que sera la stratégie du territoire sur les deux prochaines décennies, avec l’objectif commun, ambitieux et volontaire de préserver et d’améliorer ce qui doit l’être, pour le bien de tous les êtres vivants de ce territoire.

Intervention 1 : Franck SOLACROUP, Directeur de la délégation Garonne et Rivières d’Occitanie de l’Agence de l’Eau Adour Garonne

Le Pays Sud Toulousain se caractérise notamment par un prélèvement de l’eau potable essentiellement en surface, et une agriculture prégnante. Sécuriser la ressource est donc essentiel pour l’activité et l’attractivité du territoire, ce qui passe par des usages raisonnés, avec partage équilibré et optimisation via la réutilisation. D’autant plus à l’aune de l’emballement du changement climatique, tel qu’observé ces dernières années (canicule et sécheresse 2022 ont dépassé les prévisions les plus pessimistes des scientifiques, qui en ont été les premiers surpris).

La réduction amorcée et annoncée de la qualité de l’eau dégrade aussi sa qualité, avec une concentration des pollutions, sans compter une élévation de sa température qui met en péril faune et flore aquatiques. Il est notamment essentiel de questionner et d’adapter les rejets, particulièrement des stations d’épuration.

En définitive, la stratégie du Pays Sud Toulousain pour les 20 ans à venir dans le cadre de son Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) va dans le bon sens, pour assurer la disponibilité de la ressource, avant tout nouvel accueil de population et d’activité ; créer les espaces verts et protéger les corridors écologiques qui absorbent, filtrent et retiennent ; favoriser renaturation, désimperméabilisation et infiltration ; préserver la qualité de l’eau potable ou non ; anticiper les crues et prévenir les inondations.

Intervention 2 : Frédéric MORIZOT, Agronome et Economiste, Président fondateur de l’association MILPAT Sud-Garonne (mouvement pour instaurer les Projets Alimentaires de Territoire)

L’agriculture représente 70% du territoire du Pays Sud Toulousain (58% en Haute-Garonne). Elle y est productive dans la mesure où la Surface Agricole Utile / SAU est légèrement supérieure à la moyenne nationale, exploitée aux deux tiers pour les grandes cultures (maïs principalement), avec une place néanmoins significative de l’élevage (de plus en plus ovin et caprin, plus que bovin). Peu de maraîchage, mais un vieillissement compensé par une installation dynamique, y compris hors cadre familial.

L’enjeu principal est de reconnecter territoire de production et bassins de consommation (Pays et alentours, surtout la métropole toulousaine), dans la perspective d’une agriculture écologique et résiliente. Avec une attention particulière aux vallées où se posent avec acuité les problèmes de captation de l’eau et de préservation de la biodiversité. La principale recommandation qui prévaut est une évolution vers des pratiques vertueuses et les marchés locaux, par exemple via une substitution des légumineuses et légumes secs (type lentilles) aux céréales gourmandes en eau et en terres, et des actions de verdissement (haies, bio…).

La demande est un levier important de transformation de l’offre, avec l’axe fort de la restauration collective (établissements scolaires, sociaux, économiques…) obligée pour partie d'entre elle depuis la loi Egalim à 50% de produits locaux dont 20% en bio. Elle peut être travaillée et orientée dans le cadre de Projets Alimentaires de Territoire (PAT), que porte la Communauté de Communes du Volvestre et qui mériteraient d’être plus largement opérés sur le Pays Sud Toulousain.

Le SCoT présente 4 domaines d’action pour favoriser une agriculture durable et saine : mise à disposition d’espaces et dispositifs appropriés (avec un observatoire des terres disponibles) ; verdissement des espaces agricoles et régénération des sols ; transformation des systèmes de grandes cultures ; logistique alimentaire ; le tout coordonné par une gouvernance à l’échelle Pays.

Emerge parallèlement la problématique des fermes agrivoltaïques, à priori vertueuses, mais parfois coquilles vides nées d’un effet d’aubaine avec énergies renouvelables mais sans culture ou élevage ! Besoin serait de définir une doctrine commune sur le Pays Sud Toulousain, avec zonage, critères, conditions… Ce, en lien avec la Chambre d’agriculture qui y travaille déjà pour chasser les faux projets et permettre aux agriculteurs de diversifier leurs revenus. Une question à aborder dans le cadre du Schéma Directeur des Energies Renouvelables / SDEnR engagé par le Pays Sud Toulousain dans le cadre de son Plan Climat.

Intervention 3 : William FARAGO, Chargé d’études en environnement à l’Association Arbres et Paysages d’Autan (opérateur pour l’accompagnement des projets de plantation en Haute-Garonne)

L’arbre est très répandu en Pays Sud Toulousain, sous de nombreuses formes. Il représente en cela un important capital écologique, une richesse en biodiversité, un patrimoine aux services multiples et indispensables (maintien et enrichissement des sols, absorption et restitution de l’eau, ombre et fraîcheur en été, formation de paysages variés et attrayants, piège à carbone…). Il est dès lors vital pour le cadre et la qualité de vie, tant pour les populations installées que de passage. L’arbre est en définitive un véritable outil de planification, qui doit intégrer les stratégies globales et locales, notamment urbaines, via des projets de plantation bien ciblés. D’autant que pareille dynamique est accompagnée tant au plan technique que financier, à la portée de tous.

Avant même de penser plantation, besoin serait d’éviter et de limiter le défrichement, qui plus est intempestif et sauvage, y compris de particuliers, qui n’hésitent pas à détruire les haies bordant leurs terrains pour les remplacer par des murs ou clôtures. Des outils existent pour éviter le pire et inverser la tendance : si le SCoT ne saurait être prescriptif sur ce sujet, mais uniquement incitatif, les Plans Locaux d’Urbanisme et les divers classements possibles (Espaces Boisés Classés, Espaces Naturels Sensibles…) sont en mesure d’encadrer et d’empêcher, pour prévenir et préserver.  À réfléchir aussi tous ensemble, des habitants aux autorités en passant par tous les acteurs du territoire, au devenir de la forêt en particulier, qui est de plus en plus victime du dérèglement climatique (sécheresse, incendies…) et qui doit être régénérée avant qu’il ne soit trop tard, spécialement via des essences appropriées aux évolutions prévisibles.

Intervention 4 : Julian CARREY, Chercheur à l’INSA membre de l’Atecopol (Atelier d’écologie politique, pour une communauté pluridisciplinaire de scientifiques travaillant ou réfléchissant aux multiples aspects liés aux bouleversements écologiques)

Gérer ses propres sources d’énergie est le meilleur moyen d’une prise de conscience de la problématique énergétique et d’une réponse à apporter sur le long terme, car elle n’est pas nouvelle, mais de plus en plus aigüe.

Globalement, les Energies Renouvelables ou EnR présentent, toutes, à la fois des avantages et des inconvénients. Aucune n’est à proprement parler idéale, dans le sens où l’impact environnemental est plus ou moins important (à prendre en considération à la fois l’énergie grise, l’utilisation de matériaux pas toujours recyclables et les émissions de gaz à effet de serre induits par leur déploiement), alors même que la fiabilité est variable (intermittence non maîtrisée et peu compensée, sauf éventuellement avec le développement de solution de stockage et restitution tels les barrages ou l’hydrogène). Mais elles n'en demeurent pas moins une solution intéressante, à l'aune de progrès techniques rapides et encourageants. À noter une mention spéciale pour le solaire thermique et la géothermie en matière de production de chaleur, les plus vertueux au regard des critères environnementaux et énergétiques.

Pour passer en Occitanie au tout électrique décarboné, avec remplacement du parc de véhicules thermiques notamment, il faudrait pas moins de 240km2 de panneaux photovoltaïques, 840km2 d’éoliennes ou bien encore de 3 réacteurs nucléaires, et ce, à consommation constante, alors que les nouveaux usages, en particulier numériques, ne cessent de l’accroître. Le message principal des scientifiques porte en conséquence davantage sur la consommation que la production, à savoir un appel à l’efficacité (isolation, matériaux biosourcés, recyclage, réemploi…) et à la sobriété (optimisation et réduction) énergétiques, dans le cadre d’une économie circulaire dont l’atout premier est de dynamiser l’activité et les emplois locaux via la réutilisation des déchets produits sur place (restes alimentaires, plastiques, déchets verts, matériaux issus de la destruction de bâti…). En résumé, il faut viser l’efficience à travers les schémas politiques de planification tels le SCoT, les PLU…